Un Soleil pour Elisabeth !
Il fait si froid dans cette voiture. J'en ai le souffle coupé ! Ne pas oublier de passer chez le fleuriste après ma tournée. Penser à récupérer la veste de Claude au pressing. Acheter les cadeaux de Sarah et Damien. C'est samedi aujourd'hui, veille du réveillon de Noël, pourquoi n'y-a-t'il pas d'illuminations dans la ville ? Il fait si noir et les rues sont désertes. Il semble que le temps se rafraîchisse, mon corps est tout engourdi, j'ai mal à la tête, pourquoi ai-je tant de mal à respirer ? Aller à la pharmacie, récupérer les médicaments de Madame Martin, prendre des nouvelles de Monsieur Michel hospitalisé pour un bilan cardiaque. Claude et les enfants doivent m'attendre pour diner, je crois que je suis encore en retard. La voiture doit avoir un problème de chauffage, je suis frigorifiée. Prendre un bain chaud en rentrant, Regarder le feu crépiter dans la cheminée en écoutant de la musique. Qui est cet homme qui m'a appelé tout à l'heure ? Ma mémoire se brouille. Augmenter la dose d'insuline de madame Petit, prendre rendez-vous chez le médecin pour monsieur Georges. L'homme dit avoir besoin d'une injection de cortisone, je passerai le voir en fin d'après-midi. Où se trouve mon téléphone ? Il n'a pas sonné depuis longtemps. L'homme m'a dit que son ex-compagne et ses enfants avaient annulé leur venue pour les fêtes. Il est étrange. Penser à prendre rendez-vous chez le coiffeur. Recoudre un bouton sur le chemisier bleu. La corde, trop serrée autour de mes poignets me fait mal, pourquoi ai-je les mains attachées ? L'homme étrange me parle comme s'il me connaissait. La lame d'un couteau brille et danse devant mon visage. Penser à ses enfants, à sa famille et n'avoir pas de mots. L'homme étrange s'agite beaucoup, son regard est halluciné, j'ai peur. Rester calme, respirer, penser encore à ses enfants. Sentir les mains de l'homme étrange serrer mon cou. Entendre mon propre souffle. Perdre connaissance. Avoir froid, avoir mal, être coincée dans le coffre de la voiture et puis, ne plus rien ressentir du tout, flotter et disparaître.
Elisabeth était infirmière libérale, elle avait 46 ans et était mère de deux enfants. Elle a été découverte mourante dans le coffre de son véhicule, quelque part en Ardèche un soir de décembre de l'année 2006 quelques heures avant Noël. L'homme qui l'a étranglée avait 39 ans. Les expertises psychiatriques ont conclu à une altération du discernement au moment des faits. Il a été jugé et condamné à une peine de 24 ans de prison assortis de 16 ans de sûreté. Miné par cette affaire, le mari d'Elisabeth décèdera deux ans plus tard d'un arrêt cardiaque laissant deux orphelins. Une sculpture de Pierre-Louis Chipon en hommage à Elisabeth a été installée en janvier 2008 devant l'entrée de l'institut de formation en soins infirmiers d'Aubenas.
Elisabeth n'est malheureusement pas la seule. Les agressions envers le personnel soignant que ce soit en intra ou extra-hospitalier ne cessent de croître. Manque de moyens, manque de personnel pour les uns, exercice isolé pour les autres, travailler en toute sérénité et donc être performant et compétent devient de plus en plus complexe pour ces professionnels dont les cris d'alarme ne sont que rarement entendus.
La Seringue.
http://tf1.lci.fr/infos/france/faits-divers/0,,3375686,00-infirmiere-domicile-tuee-par-patient-.htm
Photo 1 : "Un soleil dans nos coeurs" sculpture de Pierre-Louis Chipon.