Bref, je suis Remplaçante !
La Vie d'Idel en mode Bref !
Le mois dernier, j'ai remplacé une nana. Le premier jour, je démarre au chant du coq de peur d'être à la bourre. Je tourne pendant des plombes dans un quartier où toutes les maisons se ressemblent. J'arrive chez le premier patient avec dix minutes de retard . Je rentre dans la fosse aux lions. Je dis bonjour à Adolphe, il me répond pas. Je me dis qu'avec un prénom pareil, on peut être tout sauf aimable. Je souris. Je lui demande comment il va. Il me montre la pendule. Je jette un oeil à ma montre. Il me réplique que l'autre infirmière arrive toujours à l'heure. Je lui rétorque que je ne suis pas l'autre infirmière mais sa remplaçante. Il me dit que ça se voit parce que l'autre est vraiment beaucoup mieux. Je laisse glisser. A demain.
J'arrive chez le deuxième patient, je lui dis bonjour, il me répond pas. il me dit que ma bagnole est mal garée et que l'autre infirmière se gare à gauche à côté des rosiers. Je regarde sa cour grande comme un stade de foot. Je lui propose de dessiner un marquage au sol pour que l'on sache où se garer. Il apprécie moyen la blague. Je me marre toute seule et je laisse glisser. A demain.
Je me pointe chez le troisième patient. Je lui dis bonjour, il me répond du bout des lèvres. Je lui fais son pansement. Il me dit que l'autre infirmière ne fait pas du tout comme ça et qu'elle met son matériel à sa gauche. Je regarde à gauche. Je regarde à droite. Je regarde mes mains. Je lui réponds que je ne suis pas son clone et que je suis droitière. Il se la boucle et fait la gueule. Je laisse glisser. A demain.
J'arrive chez la quatrième patiente. Je dis bonjour Nicole. Elle me répond pas. Normal, elle est aphasique. Je me dis que le lundi, c'est pas la journée des grandes conversations. Je fais mes soins et je laisse glisser. Je lui fais un signe de la main et lui dis au revoir en langue des signes. J'ai toujours le sentiment que c'est moi qu'on ne comprend pas dans les cas d'aphasie.
Je monte dans ma voiture, je me regarde dans le rétro et je me dis qu'il y a un sacré boulot à faire pour que je devienne le clone de la nana que je remplace. Je fais l'état des lieux. Je mesure 1.60 cm, elle fait 1.75 cm, je suis brune, elle est blonde, j'ai 50 balais, elle en a 35. J'évalue l'entreprise titanesque que ce chantier représente. Je me dis que pour deux semaines de rempla, on ne va pas non plus se faire charcuter. Je me marre en songeant au prochain infirmier qui aura besoin de mes services. Je me dis qu'il sera peut-être barbu ou moustachu, en tout cas poilu, qu'il mesurera 1.90 cm et aura la carrure d'un bûcheron canadien. J'envisage d'acheter une chemise à carreaux et de m'inscrire au club de muscu.
Je finis ma tournée sur les chapeaux de roues dans la même ambiance. Je pense au statut de remplaçant. Je le trouve bancal. Je me souviens du dernier rempla cet été, de celui des vacances de février, de Pâques ou de Noël. Je me rappelle du dernier infirmier qui ne m'a jamais payé. Je pense au nombre de fois où j'ai couru après mon pognon. Je me dis que la relation de certains infirmiers avec leurs patients ou inversement est quasiment pathologique. Je ne suis pas sûre d'aimer ce lien de subordination. Je me dis que les infirmiers et leurs remplaçants, c'est comme les boucles d'oreilles, rien n'oblige à ce qu'elles soient appareillées pour que ce soit joli. Je me marre...
Bref, je suis remplaçante...
Photo 2 : bloucles d'oreilles mam'zelle infirmière Crocothémis - Dinard - France - https://www.alittlemarket.com/boutique/crocothemis-9176.html