Et si la Pommade ne Suffisait Pas !
Chère Madame,
J'aime à vous appeler ainsi sans doute parce que l'éducation que j'ai reçue ne me permet pas de vous tutoyer. Mais ne vous méprenez pas, il s'agit bien là d'une politesse de façade qui n'inspire que mépris. Dans mon monde, nous vous aurions tchipé, madame la Ministre. Un long et irrévérencieux "Tchiiiip !" en signe de dédain. Ce tchip ancestral qui vient des profondeurs des champs de canne à sucre dont on retrouve les traces en Haïti en 1783. Non pas que je vous abhorre personnellement puisque je ne vous connais pas. J'exécre simplement la manière dont vous exercez, je réprouve vos réformes et plus que tout, j'ai en aversion vos interventions paternalistes et moralisatrices.
En novembre dernier, vous saluiez le dévouement, l'engagement et le professionnalisme des soignants lors de l'attentat du Bataclan. Aujourd'hui, vous nous servez le même discours à Nice. De chevet en chevet, vous portez haut l'étendard du service public hospitalier.
Nous devenons à vos yeux, le temps de quelques interviews, des professionnels de santé dotés d'une extraordinaire réactivité, disponibles et impliqués. Un peu plus et nous serions béatifiés pour des actes qui, rappelons-le tout de même, relèvent de notre quotidien. Car, non, madame, nous n'attendons pas qu'il y ait des attentats pour faire notre métier avec passion, conscience et parfois courage. Nous n'attendons pas qu'il y ait des attentats pour être des professionnels compétents, empathiques et bienveillants. Ce professionnalisme dont vous nous parlez, nous le portons en nous chaque jour que l'on soit agent de service hospitalier, aide-soignant, infirmier, sage-femme, kinésithérapeute, diététicien, psychologue, médecin, chirurgien...
Cette empathie dont vous faites preuve aujourd'hui à notre endroit, vous l'avez oubliée au vestiaire lorsque des soignants épuisés ont mis fin à leurs jours. Aucun discours, aucune larme, même simulée, aucune attitude contrite, juste votre indifférence qui nous est si familière et qui se traduit pour beaucoup d'entre nous par du mépris.
Aussi, ce dédain qui est le vôtre et dont vous nous gratifiez, je vous le renvoie avec toute ma générosité et je suis persuadée que beaucoup de soignants feront de même. Nous ne sommes pas dupes.
Recevez donc, ce jour, madame la Ministre, ce bouquet de dédain de la part des soignants que vous avez persisté à égratigner depuis quatre années.
La Seringue.