104 000 Futurs Travailleurs Précaires !

Le Temps de la Terreur !

Nous, infirmiers libéraux, sommes de plus en plus nombreux à nous sentir exclus du système de soins de ce pays. Ce sentiment n'est pas propre à l'imagination délirante de toute une catégorie socio-professionnelle puisque ce trouble qui nous agite repose sur des articles ou des propositions de lois,  des arrêtés, des avenants ou simplement des projets liés à la profession et au domaine de la santé. Petit à petit, notre champ d'actions  tel la peau de chagrin s'amenuise. A la grande foire aux soins, chacun essaye de tirer la couverture à soi. Dernier en date, les perfusions et les soins complexes qui glissent gentiment mais sûrement dans les mains des HAD (hospitalisation à domicile) égratignant au passage notre droit de prescription de consommables.

Aussi, les doutes quant à notre devenir engendrent-ils la peur et l'anxiété à propos de lendemains qui, sans aucun doute, déchanteront. La profession a toujours été à l'abri du chomâge. Les infirmiers n'ont jamais eu à craindre la précarité, et ce, même si leurs conditions de travail ont souvent été difficiles. Ils naviguaient dans le bateau "santé" avec des creux et des vagues certes, mais surtout avec une réelle confiance en leur avenir.  Exercer ce métier donnait à chacun la possibilité de choisir son domaine de prédilection et son lieu d'exercice. La situation est aujourd'hui bien différente et ce, malgré une demande de soins de plus en plus forte, une population vieillissante et  une volonté gouvernementale de prendre le virage de l'ambulatoire afin de raisonner en terme d'économie de santé. Les infirmiers libéraux ne participeront pas, semble-t-il à ce grand festin autour de la prise en charge des patients à leur domicile. Apparemment, les jeux sont déjà faits au profit d'autres structures de soins.

La Précarité !

Le mot "précarité" vient du latin precarius qui signifie "s'obtient pas la prière". La précarité est l'état de ce qui est précaire, c'est-à-dire, qui n'offre aucune garantie de durée, qui est incertain, sans base assurée, révocable. Dans le domaine économique et social, la précarité est l'absence des conditions et des sécurités permettant à une personne, une famille, à un groupe d'assumer pleinement leurs responsabilités et de bénéficier de leurs droits fondamentaux. La précarité est caractérisée par une forte incertitude sur la possibilité de pouvoir retrouver dans un avenir proche la situation qui est considérée comme acceptable.

Le 07 juin 2016, le Collectif Idel Cotentin en colère s'est rendu au Ministère des Affaires Sociales et de la Santé.  Lors de cette réunion, Monsieur Masi, conseiller en charge des professionnels libéraux de santé et des soins de premiers recours a déclaré que "l'avenir du libéral passera par la capacité des infirmiers libéraux notamment à se regrouper au sein d'établissements pluridisciplinaires". On ne peut plus explicite comme formulation. L'exercice libéral est déjà mort dans les couloirs du Ministère.

Pourquoi nous faire disparaître ...

Il y a peu de temps, Lapetite infirmière dans la prairie (http://www.lapetiteinfirmieredanslaprairie.com/2016/02/prose-a-quatre-mains.html) m'avait demandé d'écrire un petit billet pour exprimer mes motivations à exercer en libéral. La liberté m'avait semblé le motif le plus évident. En effet, jouir d'un espace de liberté est primordial pour moi dans le quotidien. Les impératifs et les contraintes inhérents à mon travail relèvent de mes choix personnels. Je ne suis assujettie à aucune hiérarchie, ce qui n'empêche pas, bien au contraire, une profonde implication et un fort sens des responsabilités. La liberté et l'autonomie ne sont, malheureusement plus à l'ordre du jour dans notre belle démocratie. Il suffit de lire l'actualité pour en prendre la mesure. Chacun sait pourtant que la liberté et la souplesse dans le travail sont souvent sources d'innovation et de compétitivité.

Notre disparition ainsi que celle des autres professionnels de santé exerçant en libéral signe aussi tout simplement le désengagement proche de la sécurité sociale auprès de ses affiliés. La branche maladie devrait à terme être offerte en pâture aux mutuelles. Mutuelles qui, d'ailleurs, n'en auront plus que le nom puisque leur but premier, non lucratif qui s'articule autour de la solidarité entre membres va basculer vers un système d'entreprises de capitaux dont les objectifs sont la réalisation de bénéfices et la redistribution par la suite de ces bénéfices aux actionnaires.

104 000 infirmiers libéraux avec un avenir incertain, c'est à peu près l'équivalent d'une entreprise comme Air France avec 71 000 employés et Gaz de France avec 38 000 employés en 2012 a qui l'on demanderait d'aller pointer à Pôle emploi.

Selon Pierre de Haas, Président de la Fédération Française des Maisons et Pôles de santé (FFMPS), "Il existe, en France, entre 700 et 800 maisons et pôles de santé auxquels il faut ajouter les 400 centres de santé qui ont un autre mode de fonctionnement managérial. On peut dire qu’à peu près 10% des professionnels de santé en France aujourd’hui travaillent dans des équipes qu’elles soient libérales ou qu’elles fonctionnent sur des modèles de type « salarial ». C’est une courbe exponentielle assez impressionnante lorsqu’on se rappelle qu’en 2006, il devait y avoir moins de 10 maisons de santé libérales en France, et qu’on en compte près de 800 en 2015. Le nombre de projets en développement me fait penser qu’avant début 2017, 20% de professionnels de santé libéraux travailleront dans des structures de santé de ce type."

Voilà, nous pouvons d'ores et déjà postuler chez Axa, Groupama et compagnie parce qu'ils seront sans doute nos employeurs de demain...

Bienvenue dans le salariat ! La boucle est bouclée, ce n'est à nouveau qu'une affaire de gâteau à partager entre grands de ce monde et il n'en restera pas même quelques miettes. Peu d'alternatives en somme pour les petites mains que nous sommes hormis quitter le navire ou pour une fois, s'unir et taper du poing sur la table !

La Seringue.

http://www.albus.fr/logiciel_infirmiere/sesam_vitale_infirmier/2016/06/ministere-de-sante-repond-aux-idels-colere-enfin/

https://books.google.fr/books?id=PIQ_a8buLJQC&pg=PA58&lpg=PA58&dq=entreprises+fran%C3%A7aises+de+100+000+employ%C3%A9s&source=bl&ots=tzeJCHKDRF&sig=ViIPp1ldEXc5f734Y4i5YboFz1M&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwiAuvGq06zNAhWFWRoKHRZFDfgQ6AEIPjAF#v=onepage&q=entreprises%20fran%C3%A7aises%20de%20100%20000%20employ%C3%A9s&f=false p. 58

http://www.capitalimage.net/rp-et-communication/les-maisons-et-poles-de-sante-une-meilleure-organisation-des-soins-sur-le-territoire/331/

Comments

[informidel]

Les salariés de Air France, ceux de Gaz de France et les autres ont une assurance chômage qui leur garantit des conditions de licenciement et de reconversion les mettant à l'abri de la précarité.

Si réellement la situation des idels devait aboutir à la disparition de la profession en libéral, ALORS IL EST URGENT QUE DES REPRÉSENTANTS ELUS SIGNIFICATIVEMENT PAR L'ENSEMBLE DES IDELS NÉGOCIENT AU PLUS VITE LES CONDITIONS DE CETTE MUTATION VERS LES STRUCTURES MISES EN PLACE PAR LES MINISTRES SUCCESSIFS.