Les cornettes : le retour ?
Nous prendrait-on encore pour des nouilles ?
La perception de notre profession n'a pas beaucoup évolué depuis la création du diplome d'Etat d'infirmier en 1942. La cornette nous sied toujours à merveille et le syndrome de la nonne est toujours bien présent dans l'imaginaire collectif. Nous luttons peu en vérité contre cet état de fait tant sur le plan des avancées sociales que sur celui de notre pratique quotidienne.
Chaque jour, nous effectuons un bon nombre d'actes gratuits, nous endossons des rôles qui dépassent parfois nos compétences et nous subissons de plein fouet les mesures d'économie drastiques de la Sécurité sociale.
L'accueil et la formation des étudiants en soins infirmiers font aussi partie de nos prérogatives et nous pouvons nous interroger sur les bénéfices d'un tel engagement pour les professionnels qui exercent en libéral. En dehors d'un épanouissement personnel, qu'avons-nous à y gagner ?
Transmettre son Savoir
Selon l'Article R4312-31 du Code de la Santé Publique, L'infirmier ou l'infirmière chargé d'un rôle de coordination et d'encadrement veille à la bonne exécution des actes accomplis par les infirmiers ou infirmières, aides-soignants, auxiliaires de puériculture et par les étudiants infirmiers placés sous sa responsabilité. La mission d'encadrement ou de tutorat lui est donc dévolue et fait partie de packaging inclus dans le diplôme d'Etat.
Le projet de Code de Déontologie de Conseil National de l'Ordre des Infirmier stipule dans son Article 38 relatif aux règles d'exercice professionnel que "l'infirmier chargé de toute fonction de coordination ou d'encadrement veille à la bonne exécution des actes accomplis par les personnes dont il coordonne ou encadre l’activité, qu’il s’agisse d’infirmiers, d’aides-soignants, d’auxiliaires de puériculture, d’aides médico-psychologiques, d’étudiants en soins infirmiers ou de toute autre personne placée sous sa responsabilité. Il est responsable des actes qu'il assure avec la collaboration des professionnels qu'il encadre. Il doit veiller à la compétence des personnes qui lui apportent leur concours."
Il n'est pas nécessaire de spécifier que pour devenir infirmier, il faut s'exercer. Ce qui implique qu'il faille s'entraîner, expérimenter, matérialiser le soin et fair face à la réalité de terrain. La mise en pratique des acquis scolaires est une nécessité qui passe par la volonté d'infirmiers engagés dans une dynamique pédagogique. Cette relation encadrant/encadré permet la richesse des échanges, des points de vue, la confrontation des idées et ne peut être que bénéfique pour les deux protagonistes. L'un apprend et appréhende son activité future au travers d'expériences, l'autre partage son savoir et rompt l'isolement dans lequel il exerce.
Cependant, en terme de reconnaissance, quels sont les avantages ou les inconvénients à devenir tuteur lorsque l'on est infirmier libéral ?
Encadrer : Une Mission Apostolique !
Sachez déjà que vous n'aurez aucune compensation financière si vous choisissez de prendre un étudiant en stage. N'attendez pas non plus de médailles, prix ou décorations. Si la gloire vous intéresse, optez pour une autre voie. Voilà, ça, c'est dit !
D'autre part, la responsabilité de l'infirmier est, quant à elle, bien engagée lorsqu'il encadre un étudiant. Au regard de l’article 121-3 du code pénal, « la responsabilité pénale d’une personne qui n’a pas causé directement un dommage, mais qui a créé ou contribuer à créer la situation à l’origine du dommage, ou qui n’a pas pris les mesures permettant de l’éviter, peut être engagée (…) si elle a commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elle ne pouvait ignorer ».
Enfin, en ce qui concerne la facturation des actes, la Convention nationale des Infirmiers de 2007 précise au paragraphe 5.2.6 que l'infirmier ne donne l'acquit que pour les actes qu'il a accomplis personnellement, et pour lesquels il a perçu l'intégralité des honoraires dus.
En quelques mots, accepter de former des étudiants ne vous gratifiera d'aucune récompense et mettra en jeu votre responsabilité. Cette tâche, Ô combien estimable vous prendra aussi beaucoup de temps. Enfin, cerise sur le gâteau, le nombre d'actes gratuits va considérablement gonfler lors de votre facturation. En effet, ceux effectués sous votre oeil bienveillant par votre étudiant ne seront pas facturables puisque non réalisés par vos soins.
C'est un peu comme si les pains ou les gâteaux réalisés par l'apprenti dans votre boulangerie étaient gratuits pour le consommateur. Nous devons donc transmettre un savoir, donner du temps, et ne pas facturer les actes faits sous notre responsabilité par l'étudiant... Ben voyons !
La seule porte de sortie pour nous, infirmiers libéraux, passe par notre indépendance. Nous pouvons encore dire non à une proposition de tutorat. La reconnaissance de cette mission d'encadrement qui nous échoit passera sans doute par ce refus motivé de notre part. Les cornettes vous saluent bien !
La Seringue.