La Vie en Polaroïd !
Nos vies en instantané !
Le Polaroïd, c'est cet appareil qui, dès sa commercialisation en 1948, a eu un succès fou. grâce à lui, nous pouvions enfin faire de la photo dans l'instant sans avoir à passer par un photographe pour développer la pellicule. "Le petit oiseau va sortir" devenait alors une réalité en 60 secondes chrono.
Depuis, avec l'avènement des appareils photos numériques, nous sommes passés à la vitesse supersonique. La force de frappe de nos petits gadgets est quasiment illimitée et c'est par milliers que nous produisons des clichés de nos vies et de celles des autres accessoirement.
De souvenirs de vacances en selfies, de tableaux de chasse en séquences "remember", de scènes poétiques en scènes de crimes ou de catastrophes, plus rien ne nous arrête.
L'insoutenable futilité de l'être !
Nous voulons tout capter dans l'instant, figer sur carte mémoire les moindres frétillements de nos existences pour les oublier la plupart du temps tout aussi instantanément. Parfois même, soyons honnêtes, pour certains d'entre nous, le but avoué ou non de cette photomania n'est que pure cupidité, au bout de la pellicule ou de la carte mémoire, l'appât du gain et peut-être la notoriété.
Il nous faut absolument tout prendre en photo et nous jouons chaque jour avec l'indécence, l'orgueil, la suffisance, la prétention et l'impudeur. Nous voulons partager ces moments chocs et nous délecter du sang et du malheur des autres. D'apprentis photographes, nous devenons alors apprentis journalistes, politologues, médecins, scientifiques puisque nous avons des avis sur tout.
Qu'advient-il alors de ces lambeaux de vie fossilisés sur papier glacé ou sur clé USB lorsque le rideau se ferme ? L'art d'appuyer sur l'objectif est devenu une forme de trouble obsessionnel compulsif pour pallier au manque cruel de sens de nos vies. Sommes-nous si vides à l'intérieur pour devoir à ce point nous remplir ? Ces hémorragies visuelles ne sont là que pour nous rassurer sur notre utilité et nous conforter dans l'idée que nous sommes bien vivants.
Demain, nous aurons oublié. Demain, nous passerons à autre chose, demain, une autre catastrophe, d'autres meurtres, une autre histoire... Nous utilisons notre temps à fabriquer des souvenirs, pourtant, nous sommes devenus amnésiques.
La Seringue.